Focus sur les mouvements humains et sociaux qui ont traversé les Amanins ces derniers mois
Entretien avec Tomy Valentin, gérant de la Scop des Amanins
Un modèle à remettre en question
Je suis arrivé en tant que gérant de la Scop des Amanins avec pour mission d’organiser le travail et de calibrer l’équipe et les fonctions.
Au départ, nous avions comme idéal aux Amanins d’intégrer tout le pôle agricole dans le projet et dans un statut de salarié, pour des raisons évidentes de qualité de vie pour nos agriculteurs. On sait en effet qu’aujourd’hui, ils sont plutôt malmenés dans leur activité, travaillent beaucoup et sont peu rémunérés de leur travail.
Nous avions donc choisi il y a plusieurs années une voie différente en les intégrant à la structure.
Cependant, au fil du temps, l’activité a quelque peu changé, l’accueil [de nos différents publics] s’est révélé très saisonnier, et les contraintes juridiques, légales et administratives sont devenues plus lourdes.
Un tel fonctionnement n’était plus tenable. Notre équipe s’est révélée trop grosse au regard de notre activité, en dépit de nos efforts pour remonter l’accueil et avoir un chiffre d’affaires suffisant qui nous permettrait de conserver ce type de structure.
Nous avons constaté que ça ne marcherait pas. Cela, malgré le soutien financier apporté à la Scop pendant 2 ans via l’entreprise [de la famille Valentin], malgré une remontée de l’activité d’un peu plus de 20% en 2024. La tâche est trop longue et trop ardue pour retrouver un équilibre.
Nous avons donc procédé à 3 manœuvres aux Amanins.
Réduire la voilure pour pouvoir continuer
La première manœuvre a été de faire un pas en arrière sur le personnel : nous avons dû nous séparer d’une partie du personnel pour des raisons de structure, et ne reprendre ainsi que du personnel en saison, pour cadrer au mieux avec notre calendrier d’accueil.
Sur une équipe de 15 personnes permanentes environ, nous avons arrêté 5 personnes qui étaient en CDI. Nous les avons accompagnées dans un plan de licenciement.
Vers un autre statut pour les agriculteurs
La deuxième manœuvre a consisté à travailler avec les agriculteurs sur un statut différent, plus avantageux pour eux fiscalement parlant, et plus avantageux pour les Amanins en termes de saisonnalité, de quantité et de qualité d’alimentation disponible.
Nous souhaitons en effet continuer à faire notre propre production alimentaire, mais nous réalisons que ce n’est pas possible avec 2 maraîchers et 2 éleveurs à l’année.
Pourquoi ? Parce que dans nos fondements, nous faisons à la fois de la production et de la transmission. Or, cette transmission est peu ou pas valorisée, et prend beaucoup de temps aux agriculteurs. C’est financièrement très difficile, d’autant que les aides gouvernementales et européennes sont dédiées aux exploitants indépendants, et pas aux Scop agricoles, qui est notre statut.
Nous avons donc convenu avec nos agriculteurs de les garder aux Amanins, mais dans un statut indépendant – type GAEC ou autre. Et ce, sans contrainte, sur la base du volontariat.
Nos maraîchers sont en train d’y travailler : nous serons leur premier client, ils seront notre premier fournisseur. Ils pourront faire de la prestation de formation, de transmission, mais aussi vendre leurs produits à l’extérieur pour compléter leur rémunération et garder la qualité de vie qu’ils avaient aux Amanins.
Nos éleveurs, quant à eux, ont fait le choix de rester dans un statut salarié, et cherchent à se réorienter.
Nous avons donc fait un appel de porteur de projet, et une première personne est arrivée en début de saison, dans un contrat un mi-temps d’adaptation, pour, idéalement, s’installer ensuite en tant qu’éleveuse aux Amanins.
L’objectif est de pouvoir aller un peu plus loin quand l’équilibre sera retrouvé. On se donne encore une bonne année pour finir cette transition, et pour pouvoir accueillir demain d’autres types d’agriculteurs, d’éleveurs, venant compléter notre offre pour avoir une multitude de produits – toujours dans le respect des principes de l’agroécologie –, et une multitude de prestations de transmission.
Garantir l’avenir : le projet Régénération
La troisième manœuvre nécessaire pour les Amanins dans cette transition humaine et sociale, concerne son avenir.
En effet, on ne peut pas à la fois stabiliser une activité économique et ne rien faire pour son avenir.
Nous sommes très tributaires du tourisme [séjours vacances], et nous avons constaté dernièrement que le tourisme souffrait soit du manque de pouvoir d’achat, soit d’une météo défavorable – parfois des deux. Ce sont des événements extérieurs que l’on ne peut pas maîtriser, et il y a un risque de se retrouver dans des situations similaires les prochaines années, où le tourisme est affecté par des événements macroéconomiques.
Cela viendrait mettre de nouveau en péril le projet, malgré une équipe plus modeste et un modèle plus viable.
Nous avons ainsi envisagé quelque chose de plus interne, plus autonome, pour animer notre activité.
Est donc né un projet très fort, porté par l’association des Amanins, celle-ci s’étant redéveloppée dans son Conseil d’Administration avec des bénévoles compétents dans nos métiers (agriculture, architecture, accueil…).
Ce nouveau CA va permettre aux Amanins de devenir demain un lieu d’accueil tourné vers les principes de la régénération, qui sont nos principes agroécologiques mais plus poussés, plus pointus.
Nous intégrerons à ce projet de régénération la dimension humaine, habitante, les infrastructures, le tout sur un territoire plus large que le lieu des Amanins puisque nous étendrons ce projet de régénération au bassin versant de la rivière Grenette.
Notre souhait est d’embarquer toute l’équipe des Amanins, nos partenaires et tous nos voisins à travailler la régénération des sols, de l’écosystème, pour en faire une agriculture plus résiliente au climat, et attirer ainsi des personnes qui veulent se spécialiser sur ces sujets, quel que soit le contexte économique ou touristique de la région.
Avec ce projet d’avenir, les Amanins souhaitent proposer de la formation, de l’accompagnement, de la pédagogie autour de la régénération – qui résonne aujourd’hui en France dans les milieux éducatifs, de la recherche –, et devenir ainsi un centre professionnalisant dans ces métiers-là.
Il s’agit d’attirer des formateurs plus aiguisés que nous, et qui viendraient aux Amanins pour dispenser leurs formations sur un lieu d’expérimentation unique, idéal.
Les Amanins sont parfaitement adaptés à cette évolution-là puisque voilà 20 ans que notre centre est engagé dans la transition écologique et dans l’agroécologie, 20 ans que nous cultivons notre tradition et notre métier d’accueil.
C’est donc notre objectif d’ici 3 ans pour les Amanins, objectif qui nous permettra de faire un centre qui va durer, on espère, encore au moins 20 ans !
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